Jeanne Hors-Jeu

Jeanne

Dans l’embrasure de la porte le profil de Jeanne se dessine, courbes fines. Elle attend sans hâte que le soleil, la coiffant tout droit, enfonce son ombre dans la terre, l’y ancre et l’enracine. Moment minuté où Jeanne ne vole plus ; et les sons si sourds comme des grains de plomb. Jeanne ne veut plus suivre les méandres de l’air. Elle regarde ses pieds nus sur le sol, ses ongles ronds. Elle est le silence arraché au cri, de force. La force de ne plus bouger. Ne plus se faufiler derrière les glycines, remonter la ruelle, débloquer la grille noire et courir s’enfouir. « Je viens », disait-elle à Dimitri, « je viens voir si la tortue a sorti une patte ». S’introduire dessous la carapace, faire le dos rond.

Ils lui ont murmuré : « Jeanne, je t’emmènerai sur l’écume des vagues vers les rives d’une fête si bleue où la nuit se noiera ». Mais il lui a fallu faire l’incroyable voyage avec soi, seule. S’inventer des costumes, des paillettes, trembler doucement sous les pleurs. « Jeanne dessine ta vie, je t’en donnerai les crayons » lui dit Pierre. Mais comment savoir, quand on ne connait pas son propre univers, et qu’on court à l’envers.  

Jeanne attend que le soleil la tue, la torde, et l’enroule comme les sucres de foire, puis qu’on la range ainsi dans un grand bocal clair, seule. Elle se reposerait sur les parois de verre comme lorsqu’elle appuyait son front sur la vitre de son enfance, séparée. Elle pense aux mots de Dimitri, parti un jour : « Jeanne, tu es si jolie, je te regarde comme on regarde une enfant qui court après les bulles de savon ». « Oui mais je cours peut-être trop vite ou trop loin et s’il n’y avait pas de bulles ? » « Si Jeanne, cours, elles volent les bulles ». Jeu cruel de l’éphémère, la vie. Courir vers le possible et garder une bulle au bout de son doigt, un instant, et oublier que d’autres s’envolent, éclatent. « J’aime tous ces possibles dans ta tête » dit-il à Jeanne qui joue l’enfant sage pour cacher sa démesure. Jeanne recroquevillée, petite boule chaude dans les bras de Pierre, comme une enfant en sanglots qui apaise sa tempête au profond d’un corps calme. Jeanne câline, Jeanne enfantine. « J’ai été une petite fille avec une gomme et un pinceau doré, mais je n’ai su que me gommer et le pinceau a séché ».

Jeanne vit scindée, une qui joue, une qui surveille. Elle se crée des réactions, s’extravertit, triche, triche encore. Elle s’invente des envies, copie des apparences, essaye les manches, le dos, le devant de la vie des autres. Jeanne construit mille dédales, mille spirales, pour s’y embusquer et un grand moule pour s’y enrober. Elle séduit nez retroussé, yeux rieurs, illusionniste du désir. Elle entraine les hommes dans un combat dont elle se fait l’arbitre. Elle les attrape dans sa toile tissée de charme et de séduction, les blesse, les étouffe, les pousse au bout de leur souffrance, les mord sur leurs morsures, afin de les dégoûter d’elle et qu’ils s’en aillent, enfin. Une folle descente dans le précipice. « Tu es si mal dans mes bras » reconnait Dimitri. « Jeanne petit lutin, tu nous prends dans ta main et tu nous lances, étourdis par-delà les mots jusque dans les murs du malentendu. Tu nous nous fais glisser de boites en boites, descendre, descendre sans fin jusque dans l’étau du huis clos ». Entraînés dans une ronde guerrière qu’ils ne comprennent pas, confinés à un rôle qu’ils ne veulent pas jouer, ils acceptent pourtant de rester. Car quelquefois Jeanne blottit son cœur dans leurs mains, et les enveloppent dans son corps jusqu’à l’apaisement du flottement. Car, quelquefois, Jeanne oublie de se battre. Mais Dimitri a peur : « Ton pouvoir sur nous me fascine et m’effraie ». Le pouvoir de soulever des tempêtes pour les calmer, de pousser les autres jusqu’à ce que leur fêlure s’ouvre béante et qu’éclatent les fouillis enfouis. Jeanne l’écrivain de sa vie, s’est arrangée pour ne plus devenir la souris d’aucun chat. Mais elle s’est noyée dans l’eau de son labyrinthe.

Jeanne tue le vide en faisant bouillir le temps. Elle court à tue-tête pour cisailler le silence de son abîme intérieur, tournoie et s’épuise. Elle se projette sur des hommes-miroirs pour qu’ils lui dessinent son image et qu’elle comprenne enfin les raisons et les règles de son jeu. Ils sont le neutre qu’elle anime, les figurants du merveilleux. Elle les accapare, les dévore, pour user le temps, ronger le vide. Mais qui sont-ils, ceux-ci aux tendres épaules ? Solides, patients, indolents se laissant bercer par les remous du temps, en attente. Il les faut ainsi, rocs inamovibles, pour qu’elle s’y cogne et analyse ses blessures. Il les faut ainsi conventionnels pour qu’ils ne la suivent pas dans ses infinis tournoiements. Il les faut ainsi bourreaux de ses rêveries, pour qu’elle démantèle ses pièges. Ainsi est Dimitri. Il assiste impuissant au combat terrifiant qu’elle se mène et reste près d’elle, souriant à ses imprévus fantasques, ses défis fielleux, et son humour de petit bouffon en liberté. Jeanne est la fêlure de Dimitri. Elle s’engouffre au fond de lui et l’entraine dans les sauts de l’instabilité. La tête à l’envers, elle lui retrousse la peau des yeux. « Jeanne tu es le diable », dit Dimitri, « mais je ne sais pas si tu m’emmèneras dans l’enfer des ténèbres ou celui des lumières ». Elle veut des envols, des bourrasques, des orages. Le funambule la fascine pour ce qu’il représente de dérisoire ce petit homme qui enjambe les villes de tours en tours, sur la pointe des pieds. Elle pousse chacun vers la tentation de marcher sur le fil de ses envies, de ses amours. Oublier hier et demain, risquer son âme, se déstabiliser, vivre sans rambardes ni balustrades. Jeanne se nourrit des hésitations de tous devant le fil. Jeanne transperce de son regard. Elle se plante droite en face d’eux, avance un pied au-dedans de leur interdit et le pose en souriant. Elle souffle de longues tirades soufrées au creux de leurs cous, pour les bruler de mots bannis. Jeanne est le fou de tous ces rois.  

« Tu seras une chose, ma fille ». Jeanne craint de regarder ces horribles petits mots qui s’égrainent comme les os d’un squelette. Pourtant Jeanne a aimé sa mère, si fort. Elle se souvient de son corps chaud et pulpeux, de sa quête désespérée de sa tendresse, de la douceur de ces moments où la joue posée près du fer à repasser, elle écoute les rides de feu et les lumières noires de ses yeux. Jeanne se souvient de la souffrance de sa mère, de ses longs pleurs, des médicaments dépiautés sur la table, de ses cris éraillés. Jeanne l’a trahie sans le savoir, elle est née brune comme son père et le caractère désinvolte. Comme je suis laide, pense Jeanne de ne pas lui ressembler. Jeanne a appris à parler comme elle pour qu’elle lui parle, à penser comme elle pour qu’elle la regarde. Mais la mère guette la moindre faute de ressemblance. S’oublier pour devenir l’autre, celle dont on veut se faire aimer et qui ne devait aimer que le reflet d’elle-même et de ses rêves. Jeanne, l’enfant rejetée, a appris l’amour avec le désespoir. Une lente passion crevée d’humiliations. Jeanne a demandé, un jour de son enfance, une clé pour ouvrir la porte de la maison, une clé, une simple clé qu’on garde au bout d’un fil bien contre soi. Mais ils ont ri, la mère et le frère, en lui offrant toutes les clés rouillées qui ne savent plus rien ouvrir. « Tu seras une chose errante » disent leurs voix. Comment oublier ce rire qui les secouent, comment oublier qu’ils annihilent tous les espoirs d’existence. Il lui a fallu faire le douloureux voyage de l’enfance poursuivie, fouillée dans ses rêves et ses secrets, humiliée, trahie, l’âme tranchée. Jeanne a cherché à tâtons de son innocence les raisons de son inexistence obligée « Jeanne, je t’ai choisi la plus belle des vies, tu seras une chose », « Jeanne, il faudra m’ouvrir ce petit trou. Ils n’apprécient pas tu sais la moindre résistance ». « Comme je suis laide », pense Jeanne, « avec ce corps qui retient, crispé, les cris hurlés de mon enfance ». Oscillant entre agression, compréhension et vengeance, Jeanne a grandi, triste. « Maman, qui t’a fait cela ? »

Dans l’embrasure de la porte, Jeanne se couche dans l’instant qui s’allonge. Jeanne lézarde. Comme la fêlure d’un mur, elle s’allonge inquiétante, ligne brisée dérisoire entre elle et sa mort. Jeanne attend de se casser en deux, l’une et l’autre. Puis réchauffer son cadavre, le prendre par la main et l’accepter, enfin. « Je devrais m’asseoir au bord de mon vide et l’écouter vibrer. Y jeter un peu de terre et de poignées en poignées le regarder se combler. Je devrais en caresser les bords pour que poussent l’herbe rebelle et les fleurs des pauses tendres ». Mais le précipice s’est creusé dur et rugueux sous la peau. Jeanne regarde le seuil de sa maison et s’enveloppe une dernière fois de la douceur qu’elle ressent à s’y laisser mourir. Elle va disparaitre et naitre. Elle ne veut plus voler de vies en vies. Elle va sortir de son terrier et s’élancer, se disséquer, enfouir ses doigts pour broyer l’intérieur et s’arracher la peau fil à fil. Il lui faut attraper la mort par un petit bout, la tirer pour qu’en sortant elle brise le moule et que coque devenue barque, il coulisse au-delà de l’eau croupie du passé. Jeanne joue avec son ombre, une dernière fois. Elle referme la porte. Le front appuyé contre le mur, elle s’isole furtivement dans l’instant moite, sans bruit, dans l’instant trouble d’une fin.

Pierre

Pierre aime à s’enraciner, muraille. Berger préoccupé de son mouton égaré, il parcourt les plaines. Il a rencontré Jeanne égarée sur un petit bout de vie et l’a emportée. Pierre bâtit avec férocité. Il arrache de la terre ce qui lui est nécessaire, de droit. Il a confiance en ce qu’il veut, et à chaque bataille, à chaque fugue, il s’en va à travers les refus pour rattraper Jeanne et la réchauffer.

Pierre s’attaque à la démesure et les morsures qu’elle lui fait lui semblent injustes. Il construit de larges voutes et des palais aux mille toits sans les animer de lumières. Il ne comprend pas qu’on s’y noie. Pierre brasse le temps et les évènements. Les obstacles qui s’opposent à lui, il les démonte, impatient et anxieux. Il veut passionnément enraciner et faire grandir les charpentes de sa vie. Il lutte avec cette obstination désordonnée et maladroite qui le rend agaçant et émouvant. Pierre est grand comme les statues que l’on regarde, enfant. Il est la réalité que Jeanne fuit.

Ils se sont rencontrés dans le bureau de Pierre. Jeanne a regardé les photos d’une femme aux longs cheveux, les livres en piles, les fiches écrites à la hâte et les papiers roulés en boule, oubliés sur le sol. Pierre a la désinvolture de l’assurance. Il est pour Jeanne un homme construit. Il a raconté son travail, ses projets puis s’est tourné vers elle, toute jeune : « et toi, que fais-tu ? ». Elle a regardé Pierre en imaginant ses gestes et son corps à côté d’elle. Elle pense qu’il l’oubliera vite, elle, qui bredouille sa personnalité. Mais il a rangé les photos de la femme aux longs cheveux, emmené Jeanne chez lui. Pierre aime faire l’amour avec elle. Son corps lui brule la tête. Nue, elle installe le calme.

Pierre comprend les mouvements humains mais ignore les individus. Le chemin qu’il suit semble souligné d’une lame dressée dont la pointe lui inciserait la peau. Tout fait guerre. Jeanne s’est effrayée d’être séquestrée. Pierre veut la rassurer, petit fantôme habillé de larmes et rabougri dans ses bras. Il croit qu’elle se méfie de lui. Jeanne ne sait pas encore qu’elle se méfie d’elle-même. Ainsi commencent les années où ils se renvoient la souffrance comme une balle brûlante. Pierre regarde Jeanne, aller et venir, habitée d’une mécanique précisément réglée. Il la regarde sans tendresse et Jeanne pense qu’il la méprise. Il méprise l’automate. Ainsi commencent les heures où Pierre semble avoir oublié la présence de Jeanne. La lumière dans ses yeux a disparu, ce détachement des petits combats qui le fait éclater de rire, amoureux. Il l’a aimée renégate, rêveuse, perdue, tiraillée. Il voudrait aussi la voir calme. Jeanne remet tout en cause à l’instant, ses joies, ses choix. S’étant terminé le temps de séduire, Jeanne n’est plus Jeanne. Elle a regagné son enveloppe et s’y est enfermée sous le rabat cacheté. Pierre attend qu’elle réapparaisse comme un miracle, la Jeanne qu’il a aimée si fort.

Jeanne n’a plus pied. Dérivant le long d’un flot qu’elle ne sait arrêter, Jeanne s’écorche aux branchages, s’effiloche. Jeanne quitte Pierre, l’amour en tête. Ses affaires descendent le petit escalier, des livres, des photos et ses cahiers. Pierre regrette tant : « je t’ai repoussée alors que je voulais que tu viennes chasser de mes yeux l’ombre glacée ». Jeanne s’étourdit, s’engouffre dans toutes les rues de la vie et s’égare. Pierre lui demande de revenir, de reprendre ce chemin qu’elle connait bien, un chemin comme une large allée où les arbres viennent d’être taillés. Sans savoir pourquoi Jeanne accepte d’y déambuler, mince, raide, absente, avec l’aisance de l’indifférence. Par peur de devenir cette elle-même qu’elle ne connait pas, elle se remorque à Pierre, pour le lui reprocher. Pierre, dominé par la souffrance de perdre Jeanne, ne s’en rend pas compte. Il devrait pourtant voir son corps meurtri qui ne sait plus parler et ses yeux percés des pointes acérées du mal-être. Mais la présence de Jeanne rassure Pierre, sa femme, son souffle de vie.

Camille est née. L’enfant a fouillé dans le corps de jeanne et lui en a pris un peu. Il est sans conteste le sien. Mais son petit, Jeanne l’abandonne quelquefois, car elle se noie. Pierre les oublie pour gagner des combats qu’il crée terrifiants, volumineux, des combats pourtant insignifiants. Jeanne se prête à ce jeu du rien, se laissant persuader de l’importance de l’enjeu. « Pierre est parti à la guerre » a t-elle coutume de dire. Jeanne tente de le calmer, de lui apprendre la dentelure des rouages humains, de le couvrir d’une peau qui cache les écorchures des vraies guerres qu’il a dû faire, jeune homme.

Jeanne aime t-elle Pierre ? Elle s’est envolée dans le souffle de son amour à lui, s’est lovée au creux de son désir. Il lui donne la vie. Ses pieds peuvent soudain marcher et son corps fonctionner. Elle a suivi Pierre, mais pourquoi lui ? Elle l’admire son Pierre qui se dirige avec force vers ses buts et qui assène sans peur ses opinions, méprisant convenance et hiérarchie. Elle a pourtant raconté, le premier jour, les pleurs, le mal à vivre, l’absence de présent, le passé terrifiant et le futur qui ne la concerne pas. Pierre a ri, gentiment devant ce qu’il croit le cinéma de Jeanne, son numéro de tragédie. Pierre et Jeanne ont compris un jour que les reproches entre eux sont vains. Leur couple s’est uni sur un malentendu. Pierre a cru Jeanne solide et Jeanne a cru Pierre rempart. La confiance de mettre à nu leurs faiblesses, de se laisser aller, n’est pas encore venue.

Un jour vint Dimitri et Jeanne alla vers lui.

Pierre ricane au merveilleux que Jeanne raconte. Il veut le détruire, l’arracher du corps de Jeanne. Pour Pierre l’important s’enracine, l’éphémère, l’instant flottant, n’ont aucun droit d’existence. Pierre secoue Jeanne, laboure dedans sa tête cette terre qu’il trouve infertile. Il veut extirper la mauvaise herbe, l’imaginaire facile, l’illusion dérisoire. « Le merveilleux » dit Jeanne « n’est ni irréel, ni poétique, il est un don de vivre à deux. ». L’ombre de Jeanne s’étire doucement jusqu’au désespoir. L’automate s’arrête de fonctionner. Pour la première fois, Jeanne ne peut pas le réparer. On emmène Jeanne à l’hôpital, dans la forteresse respectable. Les hauts murs, les fenêtres à peine ouvrantes, remplacent les défenses que Jeanne ne sait plus se construire. Elle y vit à nue, inconnue.

Pour Pierre c’est une halte. Il a déposé Jeanne en sécurité et se sent à nouveau respirer. Comme lorsque l’on confie son enfant pour aller s’amuser avec les grands. Puis Jeanne est sortie de l’hôpital enveloppée de son passé. Elle déambule dans les rues, les parcs qui ont connu un peu de Dimitri. Mais tout a disparu. « Pourquoi tant de souffrance », dit Pierre. Il veut tout oublier, vite. Prendre le temps de comprendre dit Jeanne. « Le temps, tant de temps, je ne pourrai t’attendre incertain » . Le temps que Jeanne s’esquive de son automate, repousse le rideau de la scène et descende dans la foule. Mais qui sera-t-elle Jeanne, qui sera-t-elle en face de Pierre ? Qui sera-t-il, Pierre pour elle ?

Jeanne vit avec Pierre et Camille doucement, tendrement en chantant la mélancolie. Le réel effrayant Jeanne, elle a laissé Pierre le construire autour d’elle. L’imaginaire avec Dimitri la fascine. L’imprévu est que ces deux mondes se rencontrent et se parlent, sans elle. Démasquée, découverte dans son arrangement dans ce jeu du dédoublement qu’ils n’acceptent pas, Jeanne bascule. Elle bascule dans le vide, dans le précipice creusé entre ces deux mondes, ses deux facettes qu’elle n’a pas réussi à concilier. Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle les voit Pierre, Camille et Dimitri, meurtris. Pierre est seul, Dimitri n’a pas supporté d’être inventé.  « Maman » dit Camille « je voudrais revoir ton rire ». Pour eux et pour elle, Jeanne se remet debout avec Pierre et Camille et accepte Dimitri libre et loin d’elle.

Dimitri

Dimitri disparait et réapparait. Il habite une petite maison dans la ruelle où se trouve la maison de Jeanne et Pierre. La sienne se reconnait à la glycine qui surplombe la grille. Racines. Dimitri semble là pour un toujours, toujours reculé. Roi détrôné, en exil, solitaire, il attend dans son fief renforcé de murs et de serrures, dans ce petit domaine avec pont levis, que son royaume vienne à lui. Il a bâti des trônes rutilants sur les marches de ses mensonges et s’en est chassé. Il a parcouru le temps vite et s’est arrêté comme une montre oubliée. Jeanne a rencontré Dimitri en attente de sa vie.

Que cherche t-elle, Jeanne, dans ce jeune homme élégant, renfermé et fragile, dans ce jeune homme mince qui s’isole dans la beauté sombre de son visage ? L’impression d’une même et lente douleur, la confiance de lui donner sa sensibilité, hors du temps, des tempêtes et de la vie. L’envie de le créer de le faire naitre, de le voir s’envoler. L’envoutant voyage à l’intérieur de lui. Mais Dimitri se défend à coups de pieds et de dents pour qu’on ne délie pas ses liens. Il regarde Jeanne qui, insouciante, veut limer les menottes et rendre transparent le carcan. « Viens, quitte le cachot d’où l’on ne sait plus compter le temps, le cachot bleu, gris, noir, de désespoir ». Il regarde Jeanne décrire les boucles d’un feu qui les brulerait, sans y croire. Sous l’édifice, un enfant.

Se reconnaissant dans cet enfant caché, dissimulé, mais aussi attirée par la forteresse, l’apparence de Dimitri, Jeanne oscille entre l’état d’un désir fou, exigeant d’une femme pour un homme et celui d’un amour tendre, complice, attentionné d’une petite fille pour son double. Elle sera ainsi tantôt féline et cruelle, tantôt celle auprès de laquelle il osera pleurer.

La première fois qu’ils fuguent ensemble, c’est pour une fête. Extérieurs Paris. Protégée par la foule, Jeanne s’élance vers Dimitri, vers son souffle. Seule avec lui, elle creuserait un petit trou entre ses bras et s’y installerait. Elle écouterait la fête à travers son corps à lui, seulement à travers lui. Et la fête terminée, elle la continuerait au milieu des rues, peau en fête contre sa peau à lui. Mais Dimitri déploit des paravents et Jeanne n’ose pas le dévorer. Elle pose sa tête sur son épaule. Ils se parlent à travers leurs mains, peau de paume contre peau de doigts. Jeanne aimerait tellement se glisser le long de lui et de douceurs en désirs, étreindre l’unique dureté de son corps. Mais il la laisse rentrer chez elle comme il le fera pour toutes les autres nuits.

Quelque temps après, ils dinent ensemble. Il a choisi un lieu raffiné, silencieux. Jeanne raconte les évènements de sa vie avec la distance de ceux qui doutent les avoir vécus. Elle raconte le spectaculaire, l’odieux, avec verve. Elle raconte la mère, les armoires renversées et l’attente de l’espoir. Elle raconte Pierre et le chemin difficile. En détresse, elle cherche à comprendre et à s’approcher de Dimitri. Elle se sent si perdue mais ne veut pas le montrer. Elle parle, parle, pour le cerner lui, l’ennemi. Ennemi ? parce qu’il semble ne pas vouloir jouer avec elle. « Est-ce que cela te plait toutes ces femmes autour de toi ? « Pourquoi toutes, une seule suffit. Je la connais, je l’attends ». « Reviendra-t-elle ? » a de demandé Jeanne. Qu’importe semble dire le visage de Dimitri. J’aime l’attendre. Délibérément faire du mal, frapper Jeanne, lui barrer un chemin où il ne veut pas qu’elle entre, de peur de souffrir. « Tu sais nous promenons tous un amour triste, quelque part » lui souffle Jeanne un peu plus tard dans la rue. Dimitri lui prend le bras très fort et la maintient contre lui. Ils glissent dans Paris, la nuit. Passerelle des Arts et le froid. Jeanne ne comprend pas. Elle respire contre Dimitri, le front sur ses doigts, elle écoute ses lèvres sur son cou. Le lendemain, dans le jardin des iris, en quinconce sur le petit banc de pierre, visage contre visage, ils rêvent à devenir. Les doigts de Dimitri jouent avec la joue de Jeanne. Elle suit de ses sens leur chemin sur sa peau. « Tu fais l’amour sans faire l’amour » dit-elle. Il la serre, part en élan contre elle, la désire et la rejette. Jeanne tremble. Ils remontent les quais de Seine et Jeanne voudrait ne l’avoir jamais rencontré cet homme qui en attend une autre, cet homme qui décidera de sa vie, cet homme qu’elle aimera et qui l’aimera moins.

Le soir elle confie à Pierre la rencontre bouleversante avec Dimitri, difficile à contenir, le rêve fou, inespéré d’avoir enfin quitté la solitude. Rêve ? « Aujourd’hui tu as gagné ce que tu appelles notre combat. Comment aurais-je pu résister à ton charme, à ta séduction ? Mais le respect de toi et de moi serait de répondre à cette question : pour quoi faire ? » écrit Dimitri. « Pour vivre » répond Jeanne. « Je ne te sens pas vraie ». Leur rencontre n’a pas de possibles mais Jeanne ne veut pas l’admettre. Il lui faut remettre en cause trop de choses. Aussi continue-t-elle à s’engouffrer dans Dimitri, tel un petit chat aveugle. Elle lui raconte les colères de Pierre contre elle, contre eux, et quelquefois lui demande de ne plus se voir. Elle pleure, elle l’embrasse.

Dimitri demande à Pierre de le rencontrer. Ils se connaissent déjà, un peu. Il veut arrêter les colères et l’incompréhension, lui explique le voyage sans avenir, le bout de chemin fait avec Jeanne. Mais que se disent-ils vraiment derrière les mots et les malentendus ? Jeanne interroge Pierre puis Dimitri, l’un et l’autre, encore et encore. « Tu as fabulé » dit Pierre, « imaginé ta vie et ses décors. Dimitri le pense, comme moi. » Dimitri a-t-il tout détruit ? Jeanne erre derrière le voile de ses larmes. Ils viennent tous les deux de la jeter contre le mur de son enfance. Debout et nue, elle les regarde rire, du rire de ceux qui maitrisent les lois du réel avec facilité.

« Pourquoi m’as-tu chassée de mon trapèze ? Je sais faire toutes les figures sur ce petit bout de bois rond sans jamais tomber. Pourquoi me lances-tu dans le vide ? » écrit-elle à Dimitri. « Parce que c’est cela que tu me demandes ». En venant voir Pierre, Dimitri a brutalement mis Jeanne face à la gravité de ce qui l’a poussée à chercher en lui l’évasion, à défier et fuir la réalité. Elle qui aurait tellement voulu qu’il l’entraine et l’emmène loin d’elle-même. Elle avoue pourtant qu’elle n’a su créer avec lui que ce qu’elle a toujours créé, le tourbillon de l’imaginaire et du désespoir.

Quelquefois Dimitri oublie sa peur, ses doutes. Et joue contre joue elle lui dit : « il faut attendre que je plonge, que je me remette en question ». « Mais lorsque tu seras remontée à la surface, est-ce que tu voudras encore de moi ? ». « Tu es celui que j’ai tant cherché ». Dans les jardins du palais Royal, Jeanne demande : « Faisons-nous une promesse, si un jour nous décidons de partager nos vies, nous commencerons sur un bateau ». Dimitri dit oui, tendrement surpris. Il vient de la serrer dans ses bras. « Tu es incroyable avec ce si grand décolleté et ton air si sage ». Elle s’est jetée à son cou. Amusé, séduit, il l’installe allongée sur son bras et descend ses lèvres sur son visage à petits coups. « J’aime tellement ta peau ».

Jeanne veut partir, jeanne veut fuir. « Je suis si mal dans tes bras » dit-elle. Les gestes de Dimitri s’adressent à une femme en elle, qu’elle ne connait pas. En sortant du rôle qu’elle lui a attribué, Dimitri provoque son malaise. Dans les bras de Dimitri, Jeanne se regarde sans indulgence. Elle regarde, penché sur elle, son beau visage. Elle perçoit ses gestes mais ne peut croire qu’ils s’adressent à elle. Dimitri perd confiance. A voir Jeanne s’obstiner à l’entrainer vers un futur qu’il juge impossible, à la voir piétiner ce qui lui est important, il conclue qu’elle l’ignore et ne fait que se chercher à travers lui. « Je ne me sens pas exister en toi ». Il ne veut pas être une des marches de l’escalier qui la mènera jusqu’à elle-même, une marche anonyme qu’elle oubliera. Il installe entre eux deux une barrière translucide et rigide sur laquelle il regarde Jeanne se cogner. Désormais protégé, il accepte encore de la suivre, pour elle. Pour lui, c’est fini. « J’ai eu du mal à accepter mon rôle auprès de toi, mais je l’ai fait, être le miroir de ce que tu cherches en toi, le catalyseur de ce que tu créeras ».

Ils ont si vite chacun retrouvé leurs cachettes. Ils ont encore des étreintes fantômes, des élans rejetés au fond d’eux-mêmes. Ils ont autour d’eux l’espace immense et le malaise vertigineux, intense d’une chute. Ils ont encore des joies et des peines. Jeanne essaye encore de contourner le mur, de l’ébrécher, mais Dimitri obture patiemment les fentes qu’elle ouvre vers le futur. Jeanne regarde Dimitri la juger, elle hors-jeu d’elle-même. Rejetée par Pierre et Dimitri qui ne voient pas sa détresse de ne savoir se situer entre eux deux, Jeanne les écorche violemment. « J’étais perdue entre vos deux reproches, je voulais aller jusqu’au bout de mes doutes ». Dimitri devient intransigeant, il abandonne Jeanne.

Au début n’est pas forcément la guerre disent les philosophes. Et pourtant… Qui de Jeanne ou de Dimitri l’a commencée ? Qui a obligé l’autre à se faufiler dans la ruelle sans issue ? Dimitri et Jeanne se sont rencontrés pour se livrer la guerre de la passion. Caresse sur une peau brulée.

Dimitri, loin de Jeanne, recommence à se lover dans son personnage de cire, s’introduisant sans le savoir le ver qui devait le ronger. N’écrira-t-il pas plus tard : « Penser devoir se demander / Comment aimer et où aller / Au lieu de se mettre à aimer /Et de se laisser entraîner. » Dans sa vie il se laissa pourtant entrainer, et se retrouvera un jour, comme Jeanne, entre deux.

Jeanne se réfugie à l’hôpital, malade de l’amour qu’elle n’a pas su donner. Dimitri a été le seul à lui montrer comment réfléchir sur soi-même. Jeanne ferme ses yeux et revoit le visage détendu de Dimitri, le visage plein et doux de la magie de leur rencontre, un visage furtif aussitôt masqué. Lorsqu’elle retrouve Dimitri, il l’emmène sur le toit de sa maison. De nouveau l’un près de l’autre ils se disent que « Peut-être un jour serons-nous assez grands pour vivre quelque chose de plus ensemble sans que cela nous semble la prison ». La prison ? Dimitri conçoit toute attache comme dangereuse.

Ce « pour quoi faire ? » que demande Dimitri, qu’est-ce ? S’aimer doucement, tendrement le long du temps. « Qui suis-je pour toi ? » a-t-il si souvent demandé. « Tu as été la passion sans raison, celle que j’ai inventée avec mon âme et la tienne, pour vivre intensément à travers toi ce que je ne sais vivre autrement. Pour cela, je te demande pardon. Tu as été celui pour qui j’ai déchiré mon corps et ma tête, pour naitre, car un jour, j’ai compris que je tenais à toi. Pour cela, je sais que tu es fier de moi et de toi. Tu as été l’espoir et les désespoirs les plus fous et ce lien entre toi et moi, je m’acharne à les protéger de tout ». Jeanne lui écrit encore des poèmes ; il en est touché et le lui dit :

« Ton visage happe mon amour et l’enferme. J’attends un imperceptible mouvement, pour te percevoir, à l’instant, exister. Nulle trace. En détresse, je construis jusque vers toi une route d’épingles, insupportable, pour t’obliger à ressentir la présence de l’autre, dont j’ai honte que ce soit moi. Ton corps, quelquefois, se tord. J’en suis les courbures, les brisures, l’explosion de ton visage, regard suspendu, regard perdu. Je suis venue dans le labyrinthe, te parler. Ni charmant, ni agaçant, tu me montres sans masque, la sève de ta souffrance, qui te brûle, la lente douleur que tu abrites. Tu ranges des papiers. Ce semblant d’exister s’éparpille, s’étend devant moi. Papiers griffonnés, je les voudrais blancs, les jeter. Les murs lisses, seulement toi, arbre gris aux branches mortes qui s’acharnent à pousser. Je n’oublie plus tes yeux. »

Puis Jeanne s’est tue et n’a plus jamais voulu revoir Dimitri.

Camille

Camille promène ses cheveux blonds. Son pas cliquète dans la maison. Elle y règle le temps, balancier d’une horloge sans aiguilles. La musique emplit sa tête. Le soir elle joue de son violoncelle sur le palier, laissant ses notes à l’escalier qui les emmène autour de lui. Jeanne attend cet instant où la maison s’isole et s’envole en bourdonnant. Camille trottine entre joie et détresse Elle s’élance vers les corps de chacun de nous. Câlin inattendu que Jeanne craint de ne pas mériter. Camille observe, écoute, sans qu’on le sache. Elle sait d’instinct la tristesse, les éclairs de colère et les grands soleils.

Camille et Jeanne se comprennent à mi-mots, mi-pleurs et douceurs. Lorsque jeanne s’égare la présence de Camille la rassure et l’apaise. Mais lorsque Camille piétine et rage, Jeanne ne sait pas toujours comprendre, apercevoir derrière les petits chagrins, les grandes frayeurs. Camille chahute en force, force de gestes et force de rires. Camille berce les petits et les caresse de ses doigts fins. Camille brusque, Camille tendre.

Camille et Pierre se cherchent et se boudent. Le dos tourné elle attend qu’il la prenne dans ses bras et lorsqu’il va le faire, se sauve. Insister malgré les refus, Pierre ne le fait pas.

Camille se love contre Jeanne en lui répétant ce que Jeanne lui dit quelquefois : « heureusement que je t’ai ». « Maman » dit-elle un jour, « est-ce que tu as un amoureux ? » Jeanne se souvient du jour où Dimitri est venu dans sa maison pour discuter avec Pierre, bien avant les élans, les combats et les ruptures. Camille a grimpé sur lui, d’autorité. Elle l’empêche de parler, l’amène à la regarder et lui dit : « tu as des cheveux beaux ».

Camille dessine des fleurs soleils, des soleils bonshommes, de lourds papillons posés sur des chats tigres et des princesses aux cheveux parés de rubans et d’étoiles. Pourquoi lui dire que quelquefois on a peur d’aimer ? Jeanne ne se sent pas la force de lui expliquer les doutes, les malentendus et les drames. Jeanne ne s’en sent pas le droit, pas encore. Mais lorsque Jeanne tombe malade, qu’elle ne peut jouer avec Camille pendant quelque temps, l’écouter, rester près d’elle, Jeanne lui écrit le conte de la géante et l’oiseau. Pour que plus tard elle comprenne ses absences, absence-distance, absence-présence. Pour que plus tard elles parlent cœur contre cœur de son enfance.

En l’absence de Jeanne, Pierre si triste s’est consolé auprès de Camille. Et de ces mains d’enfant, de ce sourire, il a repris force. Comment expliquer aux enfants que quelquefois ils sont nos parents.

La géante et l’oiseau

Il était une fois un long oiseau bleu posé sur la terre. Il regarde le lac secoué d’immenses vagues. Une géante brasse l’eau à si grands coups que l’oiseau là-haut, en est émerveillé. Elle glisse sous les remous, magnifique étreinte entre elle et l’eau.

L’oiseau prend ainsi l’habitude de se placer entre ciel et elle. Il écoute ses pas sur la roche de sel et surprend ses sauts éperdus vers le plat de l’eau. Grotesques envols courbés vers le sol. Et lorsqu’enfin elle s’allonge sur l’eau, absente, flottante, il s’envole. Comme un fil bleu tendu dans l’azur, il crayonne le ciel.

Un jour qu’elle grimpe plus haut pour s’élancer plus fort, la géante aperçoit l’oiseau. Majestueux, le cou dressé, avec ses yeux gris cernés de noir, il l’observe. « Que fais-tu là oiseau, toi qui voles si haut ? ». « Je te regarde géante plonger et disparaitre, je te regarde te coucher sur les étincelles de feu ». « Mais je ne connais ni le feu, ni les flammes » dit la géante, « au-dedans de l’eau, je n’ai vu que l’eau ».

L’oiseau sourit. Il admire le corps démesuré de la géante. Sur sa peau luisent les caresses de l’eau, chatoyantes. Elle est pour lui le feu merveilleux. La géante regarde l’oiseau si frêle, droit, figé. Ils restent ainsi l’un près de l’autre jusqu’à ce que l’oiseau s’envole d’un coup. Qu’avait-elle dit, qu’avait-elle fait pour qu’il s’effraye ? Elle observe le ciel, les nuages qui s’étirent, se rapprochent, voyagent et ceux qui, comme un voile, couvrent la lumière. Elle attend jour après jour qu’un petit point bleu apparaisse, tournoie et se pose.

Enfin, l’ombre de l’oiseau s’allonge devant elle. Il lui raconte les cailloux glacés, les empreintes de ses pattes sur les dunes, les animaux joufflus, bossus et les pélicans peureux. « Oiseau, emporte-moi sur ton dos ». « C’est impossible, je ne peux pas te porter, je ne peux pas t’emporter ». « Oiseau, je ne savais pas que tout cela existe. Je ne connais que l’eau morte du lac et la montagne de sel qui se noie. Emporte-moi ».

L’oiseau bleu regarde la géante blottie dans un coin de la vie, si belle et si étrange. Il ne veut pas la perdre, ni mourir avec elle. Il descend au bord du lac et de plusieurs coups de bec, tranche ses ailes. Lorsqu’elle voit dériver les plumes bleutées, lorsqu’elle les voit osciller et s’entrechoquer, la géante se met à pleurer. Elle avait ignoré la fragilité de l’oiseau, elle l’avait imaginé si grand, si fort, parce qu’il sait voler. Elle regagne la montagne de sel. La tête entourée de ses bras, dans la pâleur de la grotte, elle regarde son propre corps et l’admet enfin, tel qu’il est, immense. L’oiseau ne lui avait pas menti. Elle repense à lui, si juste, si triste. Comment n’a-t-elle pas compris qu’il a seulement envie qu’elle l’enveloppe et le réconforte.

Il était une fois, écrit Jeanne, un long oiseau bleu posé sur la terre. Il regarde le monde. Le cou déplié, les yeux brillants, il pleure. Sous son plumage moiré, se cachent deux ailes coupées. Le lac lisse et plat, parsemé de ses plumes, le sépare de la géante, à jamais.

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